... ici, nous sommes en pleine campagne électorale fédérale. Et il est beaucoup question de religion. Bien sûr les chefs politiques n'en parlent pas tellement, mais plusieurs médias cherchent à gommer différents éléments d'actualité.

Élections fédérales canadiennes : les partis dans la lutte

Tout d'abord, pour les gens en France qui nous suivent, sachez qu'au Canada nous avons une monarchie constitutionnelle. La reine d'Angleterre est surtout un symbole, et c'est vraiment le premier ministre qui décide. Le chef du parti politique qui remporte les élections devient premier ministre.

Nous avions un gouvernement minoritaire conservateur. Donc le chef du Parti conservateur, Stephen Harper, était le premier ministre canadien. En déclenchant les élections, il espère réussir à être reporté au pouvoir avec un gouvernement majoritaire.

Au Canada, nous avons cinq principaux partis poltiques :

- le Parti libéral. Chef : Stéphane Dion
- le Parti conservateur. Chef : Stephen Harper
- le Nouveau parti démocratique. Chef : Jack Layton
- le Bloc québécois. Chef : Gilles Duceppe
- le Parti vert. Chef : Elizabeth May

Après presque une semaine de campagne électorale, les conservateurs dominent les sondages avec environ 40% des intentions de vote. La semaine a été marquée par quelques coups bas de part et d'autre. À mon avis, ce sont les néo-démocrates et Jack Layton qui ont connu la meilleure semaine en faisant parler d'eux pour leurs idées et leurs propositions, tandis que les autres faisaient surtout la une pour des pacotilles de déclarations mal placées, mal reçues, ou mal interprétées.

Pour revenir au sujet de ce billet, la semaine a également été marquée par des nouvelles de nature religieuse qui ont débordé un peu dans la campagne électorale.

L'Assemblée des évêques du Québec : déclarations remarquées

L'assemblée plénière de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec se tenait cette semaine au monastère de Sainte-Anne-de-Beaupré. Les évêques se sont prononcés en faveur d'un large débat éthique et juridique sur le statut du foetus au pays. Le Canada ne possède pas comme tel de loi sur l'avortement. L'avortement "n'est pas illégal", voilà tout. Or, les conservateurs, dont les idées sont à droite, ont un projet de loi devant protéger les enfants non encore nés, le C-484.

Ce projet de loi C-484 vise surtout à punir plus sévérement les actes criminels commis contre des femmes enceintes. Plusieurs groupes craignent que cette loi, si elle est acceptée, soit un premier pas vers une restriction des avortements. Certains journalistes ont estimé que les évêques n'auraient pas dû parler car cela pourrait influencer la campagne électorale.

L'Ordre du Canada : le cardinal de Montréal n'en veut plus

Par ailleurs, toujours dans le cadre de cette grande rencontre d'évêques québécois, le cardinal Jean-Claude Turcotte, archevêque de Montréal, a annoncé qu'il renonçait à être membre de l'Ordre du Canada pour protester contre la décision de la gouverneure-générale du Canada, une ancienne journaliste de Radio-Canada, de décerner cet honneur au docteur Henry Morgentaler. Le Dr Morgentaler est reconnu pour avoir favorisé la dépénalisation de l'avortement au Canada, notamment en insistant toujours pour pratiquer des avortements dans ses cliniques même lorsque c'était interdit. Le fait que cet honneur lui soit remis ne fait pas consensus au pays.

Une candidate membre de l'Opus Dei

Une nouvelle qui n'en est pas une : le journal La Presse affichait à la une cette semaine qu'une candidate du Parti conservateur dans la région de Montréal était membre de l'Opus Dei. L'article expliquant ce fait était malheureusement très mal écrit et laissait trop clairement entendre qu'il s'agissait là d'un scandale.

http://www.cyberpresse.ca/article/20080909/CPELECFED02/80908249/6737/CPACTUALITES

Je me permets de citer un passage particulièrement éloquent de la recherche superficielle effectuée par le journaliste :

"L’Opus Dei soutient ne pratiquer que les enseignements de l’Église, mais bien des catholiques ne pourraient y adhérer tant la liste des exigences est longue, selon une enquête de l’Actualité, parue en 1993. Un membre ne peut être une personne divorcée, ne peut vivre en concubinage, pas question non plus d’utiliser des contraceptifs. Il n’y a pas de place pour les homosexuels, les francs-maçons ou les fortes têtes à l’Opus Dei. «Dans une œuvre de Dieu, l’esprit doit être obéir ou s’en aller», écrivait Josemaria Escrivà de Balaguer, le prêtre espagnol qui a fondé l’ordre en 1928 et a béatifié en 1992."

Le fondateur de l'Opus a été canonisé en 2002. Donc on se fout de sa béatification dans un texte journaliste. D'autant plus que le verbe est mal employé. Ensuite, c'est quoi cette idée de s'appuyer sur un article paru il y 15 ans dans une revue populaire pour justifier son propos ?

Scandale autour d'un prêtre accusé de pédophilie

La journée même où le cardinal Turcotte annonçait qu'il remettait son insigne de l'Ordre du Canada, un autre scandale à saveur pédophile éclatait : un prêtre du diocèse de Montréal recevait une bourse d'étude pour aller étudier le droit canonique. Les médias ont sauté sur l'affaire, et on a rapidement accusé l'archevêque d'être hypocrite en mettant ces deux éléments en parallèle.

Amalgame de mauvais goût

Quand je me suis entretenu avec le cardinal aujourd'hui, je lui ai demandé comment il réagissait à ces accusations d'hypocrisie. Il fulminait quand il m'a répondu que c'étaient deux histoires tout à fait isolées et que les mesures juridiques, canoniques et préventives ont déjà été prises il y a longtemps pour le cas de ce prêtre. Vous pourrez entendre sa réponse en direct lundi matin.

C'était désolant de voir tous les sujets que je viens de mentionner être amalgamés ensemble, dans un tourbillon de vide, dans un vortex d'incompréhension du fait religieux. Les commentaires les plus tendencieux envers la religion catholique, qui auraient coûté le poste de n'importe quel journaliste politique ou juridique, étaient acceptés naïvement sans questionnement.

J'envie la France en cette période intense de débat à l'occasion de la visite du pape Benoît XVI. Laïcité, croyances, rôle du président français et rôle du pape dans l'Église de France, les sujets sont approfondis généralement de façon plutôt éloquente dans les articles lus jusqu'à présent sur les sites des journaux La Croix, Le Monde, Le Figaro. Pas de mots tendres, pas de facilité, mais un débat franc et honnête.