Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'OVAN
4 décembre 2008

Comprendre la crise politique au Canada

Le Canada connaît actuellement une crise politique, ce qui est plutôt rare. Mercredi soir, le premier ministre du Canada a réquisitionné les chaînes télévisées pour s'adresser aux citoyens du pays. Je vais tenter de résumer le plus clairement possible, tout en abrégeant, en quoi consiste cette crise.

Élections 2008 : un gouvernement minoritaire
Des élections générales ont eu lieu au Canada le 14 octobre 2008. Le Parti conservateur a remporté ces élections, mais n'a pas obtenu de majorité absolue, ne parvenant pas à récolter plus de sièges que ses adversaires politiques du Parti libéral, du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois. Il a donc formé un gouvernement minoritaire. Normalement, dans un système parlementaire de style britannique avec des dates d'élections flottantes, un gouvernement minoritaire doit faire des compromis pour que ses mesures fassent suffisamment l'affaire de tous pour éviter de se faire renverser sur des questions clés et ainsi plonger le pays en élections anticipées.

Crise économique : quelle solution ?
Au Canada, l'économie est une question qui peut mener au renversement d'un gouvernement minoritaire si les mesures proposées sont rejetées. Dans l'actuel contexte de crise économique, le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, a proposé une mise à jour économique. Autrement dit, sans être un budget complet, il s'agissait de prendre des mesures concrètes pour juguler la crise économique qui affecte le pays. Or, les partis d'opposition n'ont pas du tout apprécié deux principaux aspects de cet énoncé :

1 - l'abolition du financement public aux partis politiques (au Canada, chaque parti fédéral reçoit 1,95$ annuellement pour chaque vote reçu lors de la dernière élection. Si 5 millions de citoyens ont voté pour vous, faites le calcul...)

2 - le refus de dépenser massivement et rapidement (au goût de l'opposition) pour relancer l'économie canadienne.

Cet énoncé économique devait être soumis à l'approbation de la Chambre des Communes à Ottawa ce lundi 1er décembre.

Mécontentement de l'opposition

Les partis d'opposition, le Parti libéral en tête, ont fait savoir qu'ils ne voteraient pas en faveur de l'adoption de l'énoncé économique. Autrement dit, ils avaient l'intention de renverser le gouvernement. Mais comme le pays sort à peine d'élections générales (14 octobre, je le rappelle), l'opinion publique est très défavorable à de nouvelles élections. C'est alors qu'a abouti l'idée de former une coalition.

Il faut savoir qu'au Canada, former de telles coalitions, chose courante dans bien des démocraties du monde, ne fait pas partie de la culture politique. Cela est principalement dû à notre mode de scrutin majoritaire à un tour qui favorise deux partis forts (historiquement, les Libéraux et les Conservateurs).

Une coalition a donc été formée entre le Parti libéral (centre) et le Nouveau Parti démocratique (gauche), avec l'appui du Bloc québécois (gauche) (un parti indépendantiste qui existe pour défendre les intérêts du Québec à Ottawa en attendant l'éventuelle indépendance du Québec).

Panique à bord

On a senti un vent de panique s'emparer des Conservateurs (droite). Dans l'histoire du Canada, le pays a été gouverné beaucoup plus souvent par les Libéraux que par les Conservateurs (et jamais par un autre parti). Les Conservateurs ont l'intention de demeurer au pouvoir pendant encore un moment. Mais le premier ministre actuel, Stephen (ça se prononce Steven) Harper, a la réputation de ne pas être très inclusif lorsqu'il prend des décisions. Il a donc cherché à calmer les esprits en annulant certains points litigieux dans l'énoncé économique, dont l'abolition du financement public des partis politiques.

Mais ce n'était pas suffisant pour l'opposition qui avait le vent dans les voiles avec sa nouvelle coalition et pour qui le coeur du problème, à savoir la forme que prendrait relance de l'économie, ne plaisait pas plus. Le vote fatidique a donc été repoussé du 1er décembre (lundi) au 8 décembre (cette date coïncide d'ailleurs avec les élections provinciales au Québec) pour éviter la chute immédiate du gouvernement conservateur.

Opposition : vaincre à tout prix
Stephen Harper s'est ainsi donné plus de temps pour modifier sa stratégie. Il espérait sans doute que la coalition allait se défaire aussi rapidement qu'elle s'était formée. En effet, le fait qu'elle soit rendue possible par des "séparatistes" québécois (Bloc) irrite au plus au point toute une frange de la population canadienne. Les Conservateurs voulaient profiter de cet aspect pour nuire à la légitimité de gouverner de cette coalition advenant la chute de son gouvernement.

Mais devant l'acharnement de l'opposition et son désir de faire tomber Harper sur la question de l'énoncé économique, le premier ministre a changé d'approche. C'est ici que Michaëlle Jean, la gouverneure générale du Canada, une Québécoise d'origine haïtienne, ancienne présentatrice du bulletin télévisé, entre en jeu.

La décision de la gouverneure générale
Je n'entrerai pas ici dans toutes les possibilités qui ont été évoquées quant au rôle qu'elle pourrait jouer pour dénouer la crise. Sachez simplement que ce poste hautement symbolique a tout de même un certain pouvoir politique en ayant la responsabilité d'assurer la stabilité du Parlement canadien. Les constitutionnalistes ont débattu toute la semaine pour savoir quels étaient réellement ses droits et devoirs.

Dans la décision qu'allait devoir prendre Mme Jean, il fallait tenir compte de plusieurs éléments. D'abord, l'opinion publique, qui montre une fracture entre l'Ouest canadien qui a massivement voté pour le Parti conservateur le 14 octobre et l'Est canadien qui appuie la nouvelle coalition. Elle pouvait choisir de mener le gouvernement vers sa perte comme elle pouvait décider d'exécuter ce qu'allait lui demander le premier ministre, ce qui est habituellement la façon de fonctionner pour ce poste.

Télévision : une soirée pour faire pencher la balance
Devant l'impasse politique, le premier ministre du Canada a réquisitionné les chaînes de télévision pour s'adresser "à la nation". Mercredi soir à 19h (heure du Québec), le message suivant a été diffusé dans l'ensemble du pays :

La vidéo de Stéphane Dion, chef du Parti libéral du Canada, a bien fait rire tellement elle était de piètre qualité. Les spécialistes étaient à ce point confus en regardant la qualité de l'image et du cadrage que certains ont même soupçonné un sabotage. Néanmoins, le message a été reçu et analysé avec la même attention que celui de Stephen Harper.

Quelques heures plus tard, jeudi matin, une semaine après le début de la crise, le premier ministre Stephen Harper s'est rendu chez la gouverneure générale pour lui demander de proroger la session parlementaire. Ce qu'elle a accepté de faire. Le Parlement reprendra donc ses travaux le 26 janvier 2009. D'ici là, bien des choses ont le temps de changer ou d'évoluer. Du moins, c'est ce que souhaite le parti au pouvoir. Chose intéressante, chaque parti accuse l'autre d'être antidémocratique. Les Conservateurs qui forment le gouvernement accusent les partis de la coalition de vouloir le renverser de façon "antidémocratique", et la coalition accuse le premier ministre conservateur de "s'enfuir du Parlement".

Publicité
Commentaires
Newsletter
Publicité
Publicité